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7 juillet 2022

INTERVIEW FRANÇOIS PELEGRIN: ARCHITECTE ET URBANISTE

François Pélegrin est architecte et urbaniste, à la tête de sa propre agence depuis 1979. Les questions environnementales et énergétiques sont, depuis toujours, au cœur de son travail. Ce sont ses convictions qui l’ont amené à devenir président d'honneur de l’Unsfa, d'Archinov, du CNC, membre actif du Plan Bâtiment Durable, du CAH, d’Amo, de Cobaty, vice-président de l'Afnor et président du comité d'éthique. Il partage ici sa vision de la RE 2020.

 

Depuis votre position d’architecte engagé sur les questions environnementales, comment percevez-vous l’évolution de la RT 2012 à la RE 2020 ? Pensez-vous que l’isolation a son rôle à jouer pour contribuer efficacement aux objectifs de cette nouvelle réglementation ? 

La différence entre la RE 2020 (réglementation environnementale) et la RT 2012 (réglementation thermique) est, à mon sens, énorme. Je fais partie de ceux qui se sont battus pour que l’on rompe avec cette approche « purement thermique » : depuis 1974, date de la 1ère réglementation thermique, la France s’est essentiellement focalisée sur la dimension énergétique, alors que le sujet est beaucoup plus vaste. La thermique est l'un des nombreux sujets qu'un architecte doit embarquer dans une conception ou dans une rénovation mais elle ne fait pas tout en matière de construction durable.

Je suis donc très heureux que nous ayons échappé à une RT 2020 pour bénéficier de la RE 2020, et ainsi élargir la focale. 

Au niveau de l'isolation, entre la RT 2012 et la RE 2020, il faudra améliorer le Bbio (besoin bioclimatique) de 30%, ce qui en soit n'est pas très difficile à faire (bon nombre d’opérations menées sous la RT 2012 présentent déjà des performances supérieures ( -10 à -20 %). C'est donc un effort que les constructeurs pourront franchir sans trop de difficultés. Mais cette exigence ne touche pas qu’à l'isolation des projets, cela touche aussi à leur compacité, aux baies vitrées, à leur orientation, à tout l'aspect climatique du bâtiment et au confort d’été (coefficient DH). Sur ce versant-là, il n'y a pas de grand bouleversement : si l’on veut continuer à construire avec des systèmes hyper traditionnels, il faudra renforcer l'épaisseur de l'isolant et s’assurer du confort estival (inertie, masques solaires). En revanche, ce qui est totalement nouveau et qui va remettre les pendules à l'heure, c'est l’aspect « environnemental » de cette nouvelle réglementation, notamment grâce à l’évaluation du bilan carbone. C'est la grande nouveauté que les acteurs doivent comprendre, appréhender, apprivoiser et maîtriser. Nous allons donc être maintenant très vigilants sur la qualité environnementale des matériaux et notamment des isolants que les industriels vont nous proposer. Nous devons désormais, avant de déposer le permis de construire, prouver que l'on respecte la RE 2020 dans ses deux dimensions : thermique et environnementale. 

Au regard de son poids carbone sur l’ensemble d’un projet - qui est relativement faible, l’isolation apparaît-elle comme une priorité dans les démarches nécessaires pour atteindre les objectifs de la RE 2020 en matière d’émissions carbone ?

Les simulations que l'on pourra faire à partir de maquettes numériques nous permettront de voir la responsabilité et la contribution du lot isolation aux performances énergétique et au bilan carbone global. Les concepteurs pourront ensuite faire des choix et peut-être arbitrer pour transférer le poids sur d'autres éléments. On sait que ce qui pèse lourd dans le bilan c'est l'infrastructure et la superstructure. Il faudra que le constructeur soit stratège dans ses choix en maîtrisant l’économie globale du projet bas carbone.

Si l’on conjugue les bénéfices d'une isolation particulièrement performante sur le pilier énergie et sur le pilier confort d'été, comment percevez-vous la balance qui peut être faite sur ce sujet entre le poids carbone d’un côté et les performances de l’autre ?

C'est clair que nous devons conjuguer tous les paramètres. Il ne suffirait pas d'être juste excellent dans le bas carbone et puis mauvais en thermique d'été ou d'hiver. Il y aura donc des arbitrages à faire, notamment au plan économique.

Dans cette optique, il est intéressant de souligner que dans le match qui oppose isolants biosourcés et isolants traditionnels, la question de l’épaisseur de la paroi (et donc celle du mur résultant) est importante. Dans un milieu contraint, nous allons perdre des mètres carrés habitables avec des isolants biosourcés plus épais avec un lambda moins efficace qu’avec d'autres matériaux plus traditionnels. Cela fera donc partie des arbitrages. Parce qu’une façade plus épaisse diminue la surface utile. 

Avez-vous déjà été confrontés à des arbitrages de ce type ?

Je suis bien informé de ces questions que j’explique dans les formations RE 2020 que je dispense auprès des architectes et des maîtres d'ouvrage. Dans notre agence, les projets en cours étaient déjà engagés antérieurement à la RE 2020. Pour les projets neufs, nous simulons différentes hypothèses pour faire les meilleurs choix avec nos maîtres d’ouvrage. Le BIM est au cœur de ces simulations, il permet de comparer l’efficacité des solutions

Que va-t-il vous falloir pour faire ces choix, ces arbitrages, le plus efficacement et le plus facilement possible ?

Une maquette numérique bien renseignée. Il faut donc que nous obtenions, pour chaque produit, en plus de leurs caractéristiques habituelles, leur performance environnementale. Nous avons bien compris que nous ne pourrions plus prescrire des produits qui ne présentent que des DED (déclarations environnementales par défaut) car cela pénaliserait trop le calcul du bilan carbone du projet

Quelle approche globale de la RE 2020 défendez-vous ?

La RE 2020 se caractérise par une trajectoire avec un renforcement progressif des exigences en 2024, 2027 et 2030. Nous souhaitons, dès maintenant concevoir nos projets dans la perspective de 2030 (pour éviter que le projet ne soit ringardisé à cette date, s’il s’est contenté de viser seulement le premier palier), avec les difficultés que cela comporte, car il ne faut pas oublier que le paramètre économique s’avère souvent primordial.

Quel message voudriez-vous adresser aux architectes ?

Les architectes sont en première ligne pour placer le projet sur la bonne orbite RE 2020 : c’est sur eux que repose la bonne conception bioclimatique du projet ; ils auraient bien tort de penser que la RE 2020 est l’affaire exclusive du thermicien et de l’économiste.

Un projet vertueux se met en place dès l’esquisse et l’APS (avant-projet sommaire), les engagements de performances sont à déposer avec le permis de construire au stade APD (avant-projet détaillé).

C’est l’architecte qui décide, selon la morphologie du projet, des systèmes constructifs et de la nature des matériaux, en concertation avec ses partenaires.

Avec le BIM, l’architecte qui conçoit le projet et le traduit en maquette numérique peut, à chaque stade d’avancement du projet réaliser (seul ou avec ses partenaires) des simulations de performances (Bbio et bilan carbone).

C'est à l’architecte qu’il revient de faire la synthèse avec ses partenaires, et de proposer au maître d’ouvrage les meilleurs choix économiques, environnementaux, thermiques, acoustiques, etc… pour garantir la meilleure qualité d’usage et la meilleure esthétique dans le respect du projet architectural.

Il faut donc qu’ils se cultivent sur les tenants et aboutissants de la RE 2020 pour assumer pleinement leur rôle. 

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