La phase opérationnelle de la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) pour la gestion des produits et matériaux de construction du bâtiment a démarré le 1er mai 2023. Knauf Insulation n’a pas attendu. Delphine Girard et Thomas Baguette, respectivement Responsable Développement Durable et Business Development Manager Mineral Wool Recycling, reviennent sur les enjeux de la REP et sur les actions de Knauf Insulation, avec la mise en place de Resulation.
Pour vous industriel de l’isolation en laine minérale, qu’implique la mise en place de la REP ?
Delphine Girard : C’est un outil réglementaire et fonctionnel pour accélérer l’économie circulaire dans le domaine du bâtiment et traiter les 42 millions de tonnes de déchets par an produits par le secteur. Cette loi est en phase avec notre stratégie développement durable mise en place dès 2021, qui comprend un pilier économie circulaire et récupération des déchets.
En quoi la mise en place de la REP va-t-elle vous aider ?
DG : Parce qu’une grande partie est prise en charge par les éco-organismes. Ce sont eux qui ont la responsabilité de la collecte. C’est un bel avantage, surtout d’un point de vue financier.
Thomas Baguette : Il importe de resituer le contexte européen. Avec la REP, la France apparaît comme un modèle. Car pour un flux qui représente 30 à 40 % des déchets créés par an, la REP traite le problème. C’est l’initiative la plus ambitieuse en Europe et dans le monde. D’autres pays observent la France avec grand intérêt. L’avantage est que notre usine de recyclage Resulation se trouve dans une position centrale en Europe, à Visé, dans la province de Liège (B). Nous sommes au croisement des frontières des Pays-Bas, de l'Allemagne, de la Belgique et du Luxembourg, et pas très loin de la France.
Très concrètement, qu’avez-vous mis en place ?
DG : D’abord un système de récupération des palettes (hors REP), qui a été lancé en 2021. Nous avons confié cette prestation à une entreprise. Les palettes réutilisables repartent dans nos usines. Pour celles qui sont abimées, mais réparables, notre prestataire les répare et les renvoie. Les irrécupérables sont broyées pour de la valorisation énergétique.
Est-ce que je dois être volontaire pour renvoyer les palettes ?
DG : Oui. Il faut que le distributeur ou les entreprises de pose fassent l’effort de stocker les palettes, 50 au minimum. Il n’a rien d’autre à faire. Notre prestataire se déplace et la collecte est gratuite.
Aujourd’hui quel pourcentage de palettes récupérez-vous et quel est votre objectif ?
DG : Cela représente à peine 10 %, mais notre objectif est d’en récupérer 35 %. C’est inscrit dans notre stratégie de développement durable à horizon 2025. Et nous aimerions étendre ce type de service aux collectes de laines minérales.
Justement à propos des laines minérales, que mettez-vous en place ?
DG : En tant que fabricant, nous avons adhéré à l’éco-organisme Valobat, auquel nous déléguons nos obligations de collecte vis-à-vis de la REP. Knauf Insulation se positionne également comme exutoire avec notre usine de recyclage Résulation.
TB : Cela veut dire que nous avons répondu à l’appel d’offres comme recycleur de laine de verre. C’est la dernière pièce de la chaîne de valeur. C’est un projet pilote pour Knauf Insulation. Il va nous permettre de déterminer la meilleure démarche. C’est nouveau pour nous et j’espère que nous aurons bientôt, sur tous les sites de production, un programme de recyclage. Notre site de Lannemezan en France pourrait être le prochain.
Vous allez donc recycler dans cette usine des laines minérales qui proviennent de chantiers de déconstruction, et ce, quel que soit le fabricant d’origine ?
TB : Oui, nous ne sommes pas liés au fabricant. Et les gros volumes vont provenir de la déconstruction et non pas de la construction.
Donc une laine mise en œuvre il y a vingt-cinq ou trente ans est recyclable aujourd’hui ?
TB: Oui. Mais attention elle doit être vraiment déconstruite. C’est une limite, nous ne pouvons pas recycler une laine de verre souillée par d’autres déchets. En fait aujourd’hui, nous avons identifié quatre flux : nos propres chutes pendant la fabrication ; la démolition sur le long terme – 85 % de la laine que nous recyclerons proviendra de ce flux ; l’ossature bois, avec les chutes dans les ateliers ; les chutes sur chantiers.
Comment fonctionne le processus ?
TB: Nous n’avons pas de filière déchets. Nous allons construire des partenariats avec des spécialistes démolition/déconstruction et les collecteurs de déchets issus de la mise en place de la loi REP. Idéalement, il faudra que les déchets de laine minérale soient massifiés, car le transport est compliqué. C’est un produit très léger et qui a une mémoire de forme, ce qui ajoute une complexité par rapport au transport.
Donc idéalement, nos partenaires nous livreront des ballots. Après pesage nous effectuerons un contrôle qualité. La laine sera ensuite broyée pour augmenter sa densité, car notre four travaille à partir d’une certaine densité, mais aussi pour casser la mémoire de forme. Puis il y a le processus de fusion à 1 200 °C et créer du verre fondu. Lequel est transformé en granulats de laine de verre, ou calcin de verre. Nous devons passer par cette étape pour garantir une qualité de laine de verre alors même que les provenances de ces déchets sont différentes.
Vous pensez aller atteindre quel pourcentage de matière recyclée dans un produit neuf ?
TB : À ce jour, nous utilisons déjà jusqu’à 80 % de calcin (verre recyclé) dans nos produits, qui provient d’autres industries. Comme du verre de bouteille ou du verre plat (industrie automobile). La mise en place de RESULATION, doit nous permettre de récupérer jusqu’à 10 % de matière recyclée en plus, en gardant la même qualité. Nous allons juste augmenter le taux de recyclage dans nos produits. Toute la ligne fonctionnera avec du calcin recyclé. Mais pas à 100 %, car nous avons toujours besoin d’un pourcentage de matière première, pour ajuster la recette.
Et pour les emballages plastiques ?
DG: Ce sera la prochaine étape. Ensuite, nous aimerions procéder à la collecte de la laine de roche. Mais nous sommes en phase de démarrage de la REP, nous n’attendons pas de gros volumes pour le moment. C’est toute la chaîne de valeur qui doit se mettre en place. L’année 2025 marquera une nouvelle étape de la REP pour tous les déchets d’emballage. C’est pour cette raison que nous collectons déjà les palettes et que nous sommes en train de redesigner l’ensemble de nos emballages. Nos nouveaux emballages auront un maximum de deux couleurs sur un film blanc et jusqu’à 70 % d’encre en moins (un maximum de 18 % de couverture), pour les rendre plus facilement recyclable. Notre objectif : recycler entre 25 et 50 % de nos films plastiques… Alors la boucle sera bouclée.